Réponses aux arguments des banques

1. La convention litigieuse ne pourrait être qualifiée de prêt à intérêts dès lors que « Le contrat n’a en effet pas été formé au moment de la remise du montant du crédit à votre client. »

    Or, la doctrine et la jurisprudence considèrent que l’absence de remise des fonds concomitante à la conclusion de la convention n’empêche pas la requalification de la convention litigieuse en prêt à intérêts.

    2. Même si la convention litigieuse devait être qualifiée de prêt, la banque peut en tout état de cause « proposer au client de renoncer à l’application de l’article 1907bis de l’Ancien Code Civil et de payer une indemnité plus élevée que 6 mois d’intérêts ».

    Or, selon la Cour de cassation, il ne peut être question de renonciation au bénéfice de l’article 1907bis, disposition impérative, avant le remboursement anticipé du prêt.

    3. « Quelle que soit la qualification de chaque convention de crédit, le remboursement anticipé des prêts était en tout état de cause contractuellement interdit. »

    Or, selon la doctrine et la jurisprudence de la Cour de cassation, le fait que le remboursement anticipé du « prêt » était contractuellement interdit n’autorise pas la banque à réclamer une indemnité de remploi qui dépasse la limite fixée par l’article 1907bis de l’Ancien Code Civil.

    4. Les arguments concernant le principe de convention-loi, l’abus de droit de la banque et l’exécution partielle par équivalent du contrat ne sont pas retenus par la jurisprudence comme autorisant la banque à percevoir une indemnité de Funding Loss dépassant les limites de l’article 1907bis de l’Ancien Code Civil.

    5. Le critère déterminant retenu par la Cour de cassation pour la requalification de la convention litigieuse en contrat de prêt est celui de l’absence de liberté de prélèvement laissée à l’emprunteur par la convention.

    Si les fonds du crédit litigieux étaient contractuellement affectés à l’acquisition et à la rénovation d’un immeuble et si la libération de ces fonds était conditionnée à l’octroi d’une hypothèque sur le bien financé, il y a absence de liberté de l’emprunteur de prélever les sommes qui faisaient l’objet du crédit.

    Indemnité de remploi

    L’indemnité de remploi (« Funding Loss ») demandée par la banque à l’occasion du remboursement anticipé d’un crédit peut être contestée lorsque ce crédit présente les caractéristiques d’un prêt.

    Le remboursement anticipé d’un crédit accordé à une société est en général conditionné par la banque au paiement d’une « indemnité de remploi » (également appelée indemnité de « Funding Loss »).

    Cette indemnité est destinée à compenser la perte d’intérêts causée à la banque par le remboursement anticipé du crédit.  Dans certaines situations (par exemple un crédit assorti d’un taux d’intérêts fixe dont la durée restant à courir est importante), l’indemnité de remploi peut être exorbitante au regard du capital remboursé anticipativement.

    L’indemnité de remploi demandée par la banque peut être contestée lorsque le crédit qui est remboursé anticipativement présente les caractéristiques d’un prêt.

    Le Code civil plafonne en effet l’indemnité due à l’occasion du remboursement ancitipé d’un prêt à 6 mois d’intérêts calculés sur le montant du capital remboursé anticipativement, ce qui est en général très loin du montant de l’indemnité réclamée par la banque.

    La jurisprudence a déterminé plusieurs critères permettant la requalification d’une ouverture de crédit en contrat de prêt (libération de l’intégralité du montant de l’ouverture de crédit en une seule fois rapidement ensuite de la conclusion du crédit, absence de réelle liberté de prélèvement du crédité, reprise d’encours soumise à l’accord exprès de la banque, remboursement du crédit par mensualités fixes, …).

    Le fait que l’indemnité de remploi a déjà été payée n’est pas déterminant sous réserve que le paiement ne soit pas plus ancien que 5 ans.  On peut alors valablement en demander le remboursement.

    En général, les démarches de négociation entreprises directement vis-à-vis de la banque (l’agence ou le service des plaintes) sont vaines au delà du geste commercial (10 à 20% de l’indemnité).  Requérir l’avis de l’Ombudsfin n’est pas plus bénéfique car les banques ne sont pas tenues par cet avis et une très infime partie des plaintes introduites auprès de l’Ombudsfin aboutissent à un accord (moins de 10 %).

    Dans ce contexte, l’introduction d’une procédure judiciaire est actuellement incontournable pour faire entendre raison à la banque.  L’introduction de la procédure déclenche en général un processus de négociation entre avocats qui peut aboutir à un accord rapide.

    La question se pose dans tous les cas où un emprunteur (personne physique agissant pour ses besoins professionnels ou société) souhaite rembourser anticipativement son crédit: soit pour conclure un autre crédit à un taux plus avantageux, soit pour obtenir la mainlevée d’une hypothèque grevant un bien, par exemple à l’occasion de la vente de ce bien.

    La question des indemnités de remploi ne se pose plus pour les crédits de moins d’un million d’euros conclus depuis le 10 janvier 2014.  La loi limite maintenant clairement l’indemnité de remploi à 6 mois d’intérêts calculés sur le montant du capital remboursé anticipativement (à noter que le plafond d’un million d’euros a été relevé à deux millions d’euros depuis le 8 janvier 2018).  A noter également que les crédits à la consommation ou les crédits hypothécaires accordés à des personnes physiques pour leurs besoins privés ne sont pas concernés par cette problématique.

    Alexandre Roy
    avocat